Centraliens - N°629 - La revue des Arts et Manufactures - Octobre/Novembre 2013 - 8

Benoît Potier

l'énergie est beaucoup plus faible, c'est toute une
chaîne de valeur qui migrera dans d'autres zones
du monde. Le sujet de la compétitivité énergétique est donc primordial pour l'industrie et c'est
un sujet que je suis avec attention.

Vous avez développé la pile à
combustible, vous disposez de stations
services pour la distribution
de l'hydrogène : la voiture à pile
à combustible c'est pour quand ?
Quelle est la stratégie du groupe AL
face à la voiture électrique ?
A terme, cette technologie
représenterait un marché de combien ?
En effet, l'hydrogène en tant que vecteur d'énergie
propre constitue l'une des solutions pour répondre aux défis de la mobilité durable : réduction des gaz à effet de serre, pollution des villes,
dépendance aux carburants pétroliers. Utilisé
dans une pile à combustible, l'hydrogène se combine à l'oxygène de l'air pour produire de l'électricité en ne rejetant que de l'eau. C'est une filière
qui monte en puissance et dans laquelle le
Groupe Air Liquide est très impliqué.
Existe-t-il un modèle économique de l'hydrogène
énergie ? A ce stade, nous pouvons constater que
le modèle commence à faire ses preuves pour les
solutions de mobilité qui concernent les flottes
captives dans un périmètre fixe. Le marché des
chariots élévateurs est une première application
compétitive de l'utilisation de la pile à combustible à hydrogène. Air Liquide a par exemple signé
un contrat en France pour fournir une station de
distribution d'hydrogène pour une plateforme logistique à Ikea dans la région lyonnaise. Cette
station alimentera dans un premier temps une
vingtaine de chariots élévateurs. Selon nos estimations, la conversion de 10 % des chariots élévateurs à l'échelle mondiale représenterait un marché de six à sept milliards d'euros. Prenons à
présent une perspective plus grand public.
Les véhicules électriques à pile à combustible alimentés en hydrogène présentent de nombreux
bénéfices : ils sont performants, offrent une
grande autonomie et ne produisent aucune émission polluante. Le Groupe est engagé aux côtés de
plusieurs constructeurs automobiles pour accélérer le développement de l'hydrogène-énergie
pour la mobilité. Ceux-ci à l'instar de Daimler,
Hyundai, GM, Honda, Nissan ou encore Toyota
ont confirmé la mise en production et la commercialisation de véhicules électriques à pile à
combustible d'ici 2015-2017. Imaginez : si 1% de
la flotte automobile mondiale se convertissait à
la pile à combustible, cela représenterait un marché hydrogène de 15 milliards d'euros...
Air Liquide a installé à ce jour plus de 60 stations hydrogène à travers le monde. La première
accessible au grand public a été inaugurée en

septembre 2012 à Düsseldorf (Allemagne) et
20 nouvelles stations Air Liquide vont être
conçues, développées et installées dans les trois
prochaines années, dont 10 en Allemagne. Nous
sommes par ailleurs également impliqués au Japon où le gouvernement prévoit le déploiement
d'une infrastructure de près de 100 stations d'ici
à 2015.
En conclusion je dirais donc que, même si aujourd'hui une utilisation grand public à grande
échelle n'est pas encore à l'ordre du jour, l'hydrogène énergie offre des perspectives très prometteuses pour le Groupe et d'autres industries car
c'est une énergie propre, stockable et particulièrement mobile.

Vous continuez de viser la croissance,
Air Liquide semble épargné par la crise,
comment maintenez-vous votre compétitivité dans un tel contexte économique ?
Nous poursuivons une stratégie de croissance rentable sur le long terme qui s'appuie sur des investissements ciblés sur les marchés en fort développement, et s'articule autour de deux axes : la
compétitivité, qui est un pré-requis, et l'innovation.
Lorsque le contexte économique est plus difficile,
nous nous concentrons principalement sur les
mesures d'efficacité pour renforcer notre compétitivité, mais nous maintenons les investissements
dans les économies en développement, l'énergie,
la santé, et renforçons nos efforts d'innovation.
Cette perspective de long terme nourrit la motivation et l'engagement de nos collaborateurs au
quotidien, qui sont essentiels pour être performant dans la durée.
Enfin, Air Liquide prépare l'avenir. Nous avons
retenu trois tendances de fond qui auront un
impact majeur sur nos activités.
Tout d'abord, la migration de la production industrielle dans le monde. Elle dépend des besoins
en ressources naturelles et énergétiques des pays
et de leurs politiques économiques.
Ensuite, l'expansion démographique et de l'urbanisation qui modifient à la fois les besoins et les
comportements.
Et enfin l'appétit grandissant pour l'innovation.

Quelles sont les ambitions pour AL
et quels déploiements (nationaux
internationaux) visez-vous ?
Nous avons une ambition claire : être le leader de
notre industrie par la performance et la responsabilité sur le long terme.
En associant Performance et Responsabilité dans
un même engagement, nous créons une dynamique vertueuse. La prise en compte de la responsabilité dans la gestion de l'entreprise rend la
performance durable. Parce qu'en répondant aux
grands enjeux de société comme ceux de l'environnement, de la santé, ou de l'énergie, nous sti-

mulons l'innovation, nous améliorons la satisfaction de nos clients et créons donc de nouvelles
opportunités qui contribuent à la performance
sur le long terme.
Air Liquide est déjà présent dans plus de 80 pays
et sert la plupart des industries ainsi que le
monde de la santé. En ce qui concerne nos déploiements futurs, nous visons à nous renforcer
sur les marchés en croissance évoqués précédemment : notamment les économies en développement, l'énergie, le secteur de la santé, mais également les nouvelles technologies.

Aviez-vous imaginé ce parcours
en entrant à Centrale ?
Un message aux jeunes promos ?
Quel est votre meilleur souvenir à l'Ecole ?
J'ai toujours cherché à repousser les limites et
mon goût pour la science et la technologie, m'a
permis, avec les équipes du Groupe, d'ouvrir de
nouveaux marchés. C'est donc aussi le goût du
défi et de l'aventure collective qui m'a guidé dans
ma vie professionnelle.
C'est grâce à un stage que j'ai pu rejoindre le
Groupe Air Liquide en 1981, une sorte d'expérience « grandeur nature » de la vie en entreprise,
qui permet de comprendre et d'intégrer la culture
et les valeurs de l'entreprise. Mais j'étais loin
d'imaginer le parcours qui serait le mien.
Par la suite, la mobilité géographique et fonctionnelle qu'offre Air Liquide m'a permis de passer de la R&D à la gestion de projets, du développement commercial à la finance et au contrôle de
gestion, et enfin à la stratégie avant de prendre la
Direction Générale du Groupe en 2001 et d'être
nommé PDG en 2006.
Si je devais partager quelques réflexions avec les
jeunes diplômés d'aujourd'hui je dirais : N'hésitez
pas à entreprendre, sur le plan personnel ou professionnel. Soyez exigeants tant envers vousmêmes qu'envers l'entreprise que vous rejoindrez.
Soyez ouverts, curieux, et remettez-vous en cause
souvent. Enfin, soyez patients et gérez votre ambition de façon constructive en vous demandant
sans cesse ce que vous pouvez apporter de plus à
votre environnement et à votre communauté.
Enfin mon meilleur souvenir de l'Ecole est probablement le fait d'avoir pu mener de front des
études théâtrales et des études scientifiques pendant mon séjour sur le campus. C'était exceptionnel, et Centrale me l'a permis.
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Centraliens no629 [octobre/novembre 201
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