Centraliens - N°631 - La revue des Arts et Manufactures - Janvier/Février 2014 - 22

Dossier

Travaux souterrains à Coca-Codo Sinclair (Equateur).

un tunnel d'amenée de 24,8 km de long excavé par deux tunneliers (Tunnel Boring Machines), deux conduites forcées souterraines
comportant un puits vertical de 550 m de
profondeur, une usine souterraine avec huit
groupes Pelton pour une puissance installée
totale de 1 500 MW.
Lors de la première partie de notre mission,
nous avons identifié les sujets les plus critiques en termes d'impact sur le planning,
nous en avons revu le design, puis nous
avons organisé des discussions avec le maître
d'ouvrage public équatorien et son ingénieur
mexicain dans le but de parvenir à un accord.
Les principaux points de désaccord résolus,
Sinohydro a souhaité prolonger nos prestations de service. Nous nous attachons maintenant à accompagner les activités de design
et de construction les plus complexes, de
manière à éviter de nouveaux blocages.
Nous fournissons également une assistance contractuelle pour la préparation des
demandes de Sinohydro visant à des compléments de rémunération ainsi que pour
l'argumentation correspondante.
Les sujets techniques que nous traitons sur
place sont très variés. Au début de notre
mission, il s'agissait plutôt de questions de
design conceptuel non résolues, comme par
exemple le dimensionnement hydraulique
du bassin de dessablage ou l'accélération
sismique à prendre en compte pour le dimensionnement de l'usine souterraine. Par
la suite nous nous sommes impliqués dans
les problèmes de suivi de construction et
d'adaptation de design car l'organisation du
projet souffre d'un manque de coordination
études chantier.

Une première particularité de ce travail
sur site est que le rythme est dicté par les
urgences du chantier, alors que le travail depuis le siège en est forcément un peu déconnecté et doit se planifier plus en avance. Par
conséquent, on est amené à résoudre seul et
rapidement une partie des problèmes techniques. On apprend à effectuer sa propre
recherche bibliographique et à identifier des
références pertinentes pour proposer une
solution technique sur un sujet qui ne nous
était pas forcément familier au départ.
En expatriation, l'autonomie dont il faut
faire preuve peut être un peu déconcertante
au début, mais on y prend vite goût. On se
déconnecte du quotidien du siège, des nouveaux projets, des nouvelles organisations.
Le retour au siège passera forcément par
une étape de transition, mais que je ne vois
pas vraiment comme une difficulté. Ce sera
une période pour reprendre ses marques.
En travaillant au quotidien auprès des
équipes des différentes parties prenantes, on
apprend leurs préoccupations respectives,
qui ne sont pas forcément celles de l'ingénieur de design. Cela s'avère très utile par
la suite pour adapter son discours à l'interlocuteur dans le but de les convaincre ou de
trouver un accord, et c'est une aptitude que
je pense avoir développée sur ce projet.
Les différences culturelles entre les équipes
sont très importantes : maître d'ouvrage
équatorien, assistant mexicain au maître
d'ouvrage, constructeur chinois, sous-traitants internationaux... J'ai été témoin d'incompréhensions totales sur certains sujets.
En tant que partie tierce, il est intéressant
de développer un avis indépendant et de
chercher une troisième voie pour mettre les
parties d'accord.
Mais même si le travail est accaparant, les
meilleurs souvenirs se font en dehors des
heures de bureau. De temps en temps, je
laisse tous les problèmes en cours derrière
moi pour descendre la face occidentale des
Andes en voiture avec quelques amis, direction les plages de la côte, les ceviches frais et
les nuits de salsa costeña. Ou à l'inverse, je
pars avant le lever du soleil pour m'attaquer
à l'un des nombreux sommets qui entourent
Quito, les choses étant plus calmes à 5 000
mètres d'altitude.
Je suis content de rentrer bientôt en France
pour revoir plus souvent ma famille et mes
amis après un an et demi-passés en Équateur, mais je sais que l'envie de repartir pour
un autre projet dans un nouveau pays me
rattrapera vite.

Marie L'Hostis
Le domaine des barrages est un univers passionnant ! Il conjugue des enjeux techniques,
économiques, sociaux et environnementaux,
le tout dans des pays magnifiques et sur des
sites d'exception. Ma fascination provient
principalement du fait que chacun de ces
ouvrages est unique. Il va dépendre de la
topographie du site, de l'hydrologie, de la
géologie, des matériaux disponibles, etc. Ce
sont tous des prototypes qui regorgent de
défis techniques et humains ! De plus, il est
incroyable de voir à quel point l'homme est
capable de modeler son environnement, de
créer ces lacs artificiels et d'utiliser la puissance de l'eau afin de produire l'énergie dont
il a besoin. Enfin, plus généralement, je crois
beaucoup en l'énergie hydroélectrique. Même
si ces projets sont bien souvent controversés,
je suis convaincue que, à la condition que les
impacts environnementaux et sociaux soient
bien étudiés, ils ont un impact très positif sur
le développement des pays.
L'expatriation est un virus qui s'attrape très
vite. Ingénieur Civil des Mines de Nancy,
j'ai terminé mes études par un échange universitaire à Rio de Janeiro au Brésil, pays où
l'hydroélectricité fournit quasiment 90 %
de la production d'électricité. Après cette
expérience, commencer ma carrière professionnelle à l'étranger était devenu une évidence. J'ai eu la chance d'entrer dans la vie
professionnelle par le biais d'un VIE d'un an
au Laos sur le projet de Theun Hinboun. J'ai
vécu en base-vie, entourée de dizaines de nationalités différentes pour suivre la construction d'un barrage et de son usine hydroélectrique. Cette expérience a répondu à toutes
mes attentes : un enrichissement technique
intense pour faire face à la réalité du chantier
et ce dans un environnement multiculturel.
Notre métier nous demande d'être polyvalents. On doit maîtriser tous les concepts du
design mais aussi les techniques de construction. Ainsi, après cette expérience de chantier, je suis rentrée au siège pour développer
ces aspects théoriques sur un projet fascinant : Gibe III en Éthiopie, le plus haut barrage en Béton Compacté au Rouleau (BCR)
en cours de construction au monde (250 m),
avec une usine qui fournira la troisième
plus grosse production hydroélectrique en
Afrique, soit 6 330 GWh/an !
Mais après un an et demi à Paris, l'envie de
repartir se faisait sentir de plus en plus... Et
à nouveau, on m'a offert une opportunité
incroyable que j'ai saisie sans hésiter : j'ai été
retenue pour un poste d'expatriée au Népal,

Centraliens no631 [janvier /février 201
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