Centraliens - N°631 - La revue des Arts et Manufactures - Janvier/Février 2014 - 61

Société

En fait, il est plus opportun de parler dans
les entreprises de RSE que de DD. En effet :
➜ Naturellement mue par l'intérêt (rentabilité, nouveaux marchés,, mais trop souvent avec comme seul critère de décision
le taux d'actualisation court terme, les
entreprises doivent avoir d'autres valeurs
comme celles de la RSE.
➜ Les entreprises doivent se positionner face
à la fiscalité, aujourd'hui rebutante par
l'absence de stabilité ; elles ne peuvent que
prendre des décisions sur le court terme.
La fiscalité RSE doit les inciter dans la
bonne direction.
La conviction de B. Guirkinger est que
« notre modèle économique est à bout de
souffle et n'est pas durable ». Il n'hésite pas
à affirmer, avec raison, que « la société civile
sera l'axe du progrès, et, le seul possible ». De
plus, les entreprises découvrent les compétences des ONG : on obtient ainsi une forme
de démocratie participative.

La vision banque-finance
La création du « sustainable banking » est le
résultat du constat d'enjeux fondamentaux
devenus des marchés : climat, vieillissement,
L'investissement socialement responsable
(ISR) concerne tant les collectivités que les
entreprises. L'ISR démarre au XVIIe siècle
avec les Quakers (refus de financer l'esclavage et la vente d'armes).
Le marché de l'ISR est réel : plus de 7 trillions
d'euros d'actifs, 1 MM $ levés en obligations
vertes, 350 M€ levés par le conseil régional
d'Ile de France avec le Crédit Agricole CIB
pour des projets d'efficacité énergétique, des
logements sociaux sobres en énergie et des
actions consacrées à la biodiversité et à l'économie sociale et solidaire.
Le rôle de la banque est lors de faire le lien
entre les acteurs (financeurs, emprunteurs,
ONG comme dans le cas du projet de Lafarge
sur la micro-finance). Les analystes évaluent
la performance de la cible sur des critères à la
fois sociétaux, environnementaux et économiques : il y a une corrélation positive entre
les performances DD et performances financières. Une difficulté est que l'appréciation de
la valeur « socialement responsable » n'est pas
toujours facile et suffisante ; mais certaines entreprises ont été exclues de l'ISR sur ce critère.
Comment faire pour évaluer ? Probablement
un équilibre à apprécier entre nécessités et
rentabilité.
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Quant à la performance financière : combien
de points de base l'investisseur va accepter
d'abandonner dans ses choix ?
Quant aux performances sociétales et environnementales, comment les mesurer ?
Tanguy Claquin, en tant que banquier, est
convaincu qu'il « faut ajouter une dimension sociale aux investissements pour en
dégager la vraie valeur ».

Et quelques réponses sur
la quantification des critères
La quantification des critères DD d'évaluation a souvent des mesures techniques
connues et déjà pratiquées, comme l'économie d'énergie. Une approche santé permet
des gains quantifiables financièrement : augmentation de la disponibilité pour travailler
et augmentation très importantes de la valeur
des terrains par éviction des odeurs à Santiago du Chili. La sous-valorisation des terrains agricoles fait perdre 150 ha par an à la
France, les collectivités préférant les convertir
en terrains constructibles pour augmenter
leurs valeurs.
Il faut toujours avoir une approche très
concrète des problèmes : Il était demandé
de reconstruire un hôpital en Afrique suite à
une aggravation sérieuse de la mortalité sur
une ville. Or il a été évident que la cause était
la potabilité de l'eau. Construire une station
d'eau potable a enrayé la mortalité... Et l'hôpital devenu presque inutile !
La valorisation en euros est parfois une très
grande difficulté : l'étalon mondial du carbone (30 €/tonne) a été remplacé par une
multitude d'indicateurs locaux, très difficile
à appréhender. Les élus doivent prendre
conscience des réalités économiques et savoir travailler avec des critères économiques
quantifiés.
Les critères se quantifient aussi en externalités négatives à éviter. La quantification trouve aussi des réponses à l'aide de
méthodes de type management des risques
(ISO 31 000/31 010).
La stabilité des référentiels (cours, fiscalité, est
indispensable à toute méthode quantitative,
donc à une gouvernance durable.
n

Bernard Guirkinger
Membre du Conseil Économique, Social et
Environnemental et précédemment Directeur Général
adjoint de Suez Environnement.

Tanguy Claquin
Responsable de l'équipe Sustainable Banking chez
Crédit Agricole CIB.

Conclusion
Le DD a beaucoup de valeurs hors bilan,
mais il faut qu'in fine il ait une rentabilité, donc une valeur économique, mais à
calculer sur le long terme.

La mise en œuvre du DD nécessite
une gouvernance reposant sur toutes
les composantes de la société, dont les
critères de décision sont fondés sur les
nécessités sociétales, économiques et
financières ... toujours à long terme !
Cette mise en œuvre ne s'accomplira
que par une synergie entre les acteurs de
l'économie que sont le politique, l'industriel et le financier. Finalement, chacun
trouve dans le DD ses propres valeurs,
les unes augmentant les autres.

Denis Zandvliet (ECP 79)
Associé VALU€360

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