Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 24

Dossier

Tribune libre

mais sont obligées, pour le gaz et l'électricité,
de passer par des prestataires nationaux qui
leur imposent leurs propres critères et souvent, comme ce fut le cas à Paris de la part
d'EDF et sa filiale ERDF, détournent l'argent
des concessions (donc des consommateurs)
en investissant insuffisamment sur les réseaux
pour privilégier les investissements hasardeux
de leur maison-mère EDF 7.
Organiser la transition énergétique passe par
des transferts de compétence, des expérimentations qui libèrent les initiatives locales, par la
possibilité pour les collectivités locales de s'organiser en véritables autorités de l'énergie au
niveau des bassins de vie, avec compétences
en matière de consommation, de production
et de distribution de l'énergie. Quitte à, dans
un premier temps, permettre des expérimentations encadrées par la loi.
Et pour aller plus loin, pourquoi ne pas imaginer une contractualisation entre l'État et les
collectivités volontaires, un contrat de transition énergétique, fixant droits et devoirs ?
Pour construire enfin une forme de décentralisation contractuelle, assortie de compétences
et de moyens, seule à même de permettre
réellement la mise en œuvre des politiques
urbaines, de transports, de réhabilitation des
bâtiments, indispensables au respect des objectifs nationaux et des engagements internationaux, mais qui, sans les collectivités locales,
ne pourront être mises en place.
À n'en pas douter, le rôle des collectivités
locales sera un point clé de la loi sur la transition énergétique qui doit être élaborée et
débattue en 2014.

Utiliser les moyens publics
existants pour créer un effet
de levier
Le financement de la transition énergétique
(développement de l'efficacité énergétique et
des énergies renouvelables) sera également
une question centrale. Elle ne saurait reposer
sur les finances publiques. L'objectif doit donc
être d'utiliser les moyens publics existants, en
créant un fort effet de levier permettant de
mobiliser l'épargne des ménages français et les
flux de capitaux privés et de les orienter vers
la transition énergétique. La KFW (Caisse des
dépôts allemande) estime ainsi que, grâce aux
mécanismes qu'elle a mis en place, 1 euro public investi dans l'isolation thermique des bâtiments génère 11 euros de travaux... et 5 euros
de recettes fiscales.
La caractéristique des investissements de transition énergétique est d'avoir un temps de
retour plus long que d'autres activités financières. L'action des pouvoirs publics doit donc
être de contribuer à ce que les taux d'intérêt
appliqués à ces chantiers prioritaires soient
les moins élevés possible. De nombreux outils
sont évoqués : fonds de garantie pour la réhabilitation thermique, mobilisation des livrets
de développement durable (ce qui aurait dû
être leur vocation dès le départ), fonds de
refinancement (notamment alimenté par les
provisions pour charges de long terme du
nucléaire, fonds de retraites, etc.), taux d'escompte privilégiés, obligations vertes, mobilisation plus forte des Certificats d'économie
d'énergie, d'une Société de financement de
la transition énergétique (sur le modèle de la

SFEF lors de la crise bancaire)... La conférence bancaire pour la transition énergétique
pourrait constituer un temps fort d'aboutissement et d'annonce d'outils parmi ceux-ci.
Il convient par ailleurs de préciser que de
nombreuses mesures d'ordre législatif ou réglementaire en faveur de la transition énergétique ne nécessitent aucun financement (choc
de simplification pour les énergies renouvelables, avantages donnés aux véhicules sobres,
gestion combinée des ravalements et de l'isolation thermique, vitesses de circulation...)
La transition énergétique n'est donc pas seulement une nécessité écologique. C'est surtout
un formidable atout pour sortir de la crise. De
nombreux pays s'y sont d'ores et déjà engagés.
La France ne peut rester en dehors de la mutation fondamentale du XXIe siècle.
n

Denis Baupin (84)
est député de Paris
et vice-président de
l'Assemblée nationale.
Il est également viceprésident du Conseil
supérieur de l'énergie
et membre du Conseil national de la
transition écologique. Il a été maire
adjoint de Paris, en charge des déplacements (2001-2008) puis de l'environnement, du développement durable et
du plan Climat (2008-2012).

Ce dossier « Économie verte » a été préparé par un comité de pilotage composé de
Centraliens. Le texte de la tribune libre de Denis Baupin été validé par ce comité de
pilotage. Les propos tenus dans cette tribune n'engagent que son auteur et ne reflètent pas
une prise de position officielle de l'Association des Centraliens.

7. En ponctionnant les provisions locales pour rénovation des réseaux électriques en état de vétusté. À Paris,
650 millions d'euros ont été détournés pour permettre à EDF d'investir à perte à l'étranger :
http://www.lesechos.fr/01/12/2009/LesEchos/20563-32-ECHparis---accord-avec-edf-sur-la-distribution-d-electricite.htm

Centraliens no633 [mai 201
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http://www.lesechos.fr/01/12/2009/LesEchos/20563-32-ECHparis---accord-avec-edf-sur-la-distribution-d-electricite.htm

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