Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 33

l'économie verte : le temps des ingénieurs

Jean-Louis Jourdan (SNCF)

Stratégie

et bonnes pratiques
Responsable de l'écomobilité et du développement durable à la SNCF,
Jean-Louis Jourdan évoque les différentes bonnes pratiques de green business
que la société a mises en place ces dernières années.
En quoi le green business
oriente-t-il aujourd'hui
les réﬂexions stratégiques
au sein de l'entreprise ?
Nous avons défini nos priorités dans un programme intitulé « Excellence 2020 ». Le green
business nous oblige à nous préoccuper de
deux champs stratégiques. Le premier concerne
ce que nous appelons les derniers kilomètres.
Dans une mobilité de bout en bout - et non de
gare en gare -, comment articuler le parcours
principal en train et les futurs modes de transport ? Auto-partage, covoiturage, location de
vélos, véhicules électriques, taxis propres, transport à la demande, transport partagé privé/
public font partie de notre réflexion. La SNCF
veut devenir un opérateur global de transport.
C'est pourquoi notre branche « Voyages » a
racheté en 2013 deux sociétés de covoiturage,
Green Cove et Ecolutis, dans le but de faire du
covoiturage de proximité B to B.
Le deuxième champ concerne les services de
proximité. Quels services pouvons-nous apporter dans les gares, à bord des trains, mais
aussi à domicile ? Nous avons déjà lancé les
paniers fraîcheur vendus par les maraîchers
dans les gares d' Île-de-France. Ou bien les colis
livrés en gare, ce que nous appelons le « pick
and click », actuellement en phase de mise
en place dans une centaine de gares. Toutes
sortes de services sont possibles : conciergeries
électroniques, crèches, médecins, coiffeurs-minute. Bref, on peut faciliter la vie quotidienne
des gens.

Revenons sur le « transport
à la carte », ce que vous
appelez le marketing de
la mobilité.
Notre modèle, c'est la téléphonie mobile.
Les clients veulent pouvoir acheter des forfaits de mobilité territoriale. Pour un forfait
mensuel, avoir la possibilité de se déplacer
en train, en bus, en utilisant éventuellement
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du covoiturage ou vélo. Nous en avons une
préfiguration en Bretagne avec la carte « KorriGo ». En Rhône-Alpes, ce pass s'appelle
« OùRA ». C'est un support commun aux
réseaux TER, départementaux et urbains qui
permet d'offrir des tarifications multimodales attractives. Il est soutenu par 14 autorités
organisatrices de transport dans la région,
dont l'agglomération du Grand Lyon. Ce
sont des services nouveaux qui répondent à
des demandes régionales. L'étape suivante
consiste à centraliser ces services non plus
sur une carte, mais sur le téléphone. La SNCF
discute avec les opérateurs de télécoms du
modèle économique envisageable.

nouveau site pourra aussi démanteler des matériels militaires terrestres, une matière première fournie par le ministère de la Défense.
Nous récupérons cuivre, métal, tissu, mousses
et verre. Autre chantier, celui-ci en association
avec Réseau ferré de France : le traitement des
40 000 tonnes de traverses en bois que nous
remplaçons chaque année. Ces traverses sont
imprégnées de créosote, qui prévient le pourrissement du bois et disparaît avec le temps
ou par craquage à 350 degrés. Cette ressource
peut être utilisée en cogénération : 50 % de
chaleur exportée dans les réseaux à destination des industriels, le reste en électricité pour
réinjecter sur le réseau. Les traverses intéressent aussi les industriels du ciment. Elles
servent également à fabriquer du charbon de
bois. Économie circulaire encore : les tenues
des agents, à titre expérimental, sont transformées en panneaux isolants pour le bâtiment.

Avez-vous un exemple
d'innovation technologique
directement liée à votre
démarche de développement
durable ?

La carte OùRA en Rhône-Alpes : valable pour les
trains régionaux mais aussi pour les bus ou le vélo
en libre-service.

Menez-vous des actions en
matière d'économie circulaire ?
Nous sommes bien conscients de la nécessité
de recycler nos matériels roulants, le ballast,
les traverses, les vêtements de travail, et nos
déchets électroniques. Nous avons créé à
Culmont-Chalindrey, dans la Haute-Marne,
un site industriel de démantèlement des matériels ferroviaires qui complète un site déjà
existant au Mans. Nous devons démanteler
20 000 tonnes de matériels roulants par an. Ce

La gare de Versailles-Chantiers. Nous l'avons
équipée d'un réseau électrique intelligent, ou
smart grid. Grâce à ces capteurs, nous recevons toutes les 15 minutes notre consommation d'électricité, qu'il s'agisse des automates,
de la ventilation ou de l'éclairage (40 % de la
consommation électrique d'une gare). Ces
informations vont nous permettre de lisser
les pics de consommation. Mais cela va plus
loin. On peut mutualiser nos consommations d'énergie avec notre environnement
proche : le quartier, la ville... L'association
des partenaires institutionnels est ici emblématique : le grand Versailles, le département des Yvelines et des industriels (Alstom,
GDF Suez...). « Versailles smart city » peut
venir un slogan pour eux aussi.

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