Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 39

l'économie verte : le temps des ingénieurs

La biomasse du futur
Le développement à grande échelle des fermentations industrielles est largement conditionné par l'accès à des sources de sucres (hydrates de carbone) à la fois abondantes et au
« meilleur coût ». Des progrès considérables
ont été réalisés dans les sciences du vivant,
notamment biologie de synthèse et ingénierie métabolique. Ces progrès sont tels que
l'on peut aujourd'hui envisager de produire
par fermentation de très nombreux produits
chimiques de type « drop-in », c'est-à-dire
directement injectables dans les circuits de
la chimie base pétrole - l'accès aux substrats
demeure un facteur limitant. Positionnée au
cœur d'un grand bassin céréalier et betteravier, la plate-forme BRI offre un accès privilégié aux substrats dit de 1ère génération (amidon, glucose, saccharose). La participation au

Dominique
Pareau (74)
Docteur ès sciences
physiques (81), enseignante chercheur à
l'École Centrale Paris
(génie des procédés) et
directrice des études de l'École (20032009), elle est depuis 2010 responsable
de la chaire d'enseignement et de recherche « biotechnologies blanches ».

projet Futurol ménage un avenir dans lequel
pourraient être pris en compte des sucres
« pariétaux », c'est-à-dire issus de l'hydrolyse
de la biomasse ligno-cellulosique, de type C5
(xylose, arabinose...) et C6 (glucose, mannose...).
Mais les déchets végétaux ou les cultures spécifiques sont en eux-mêmes limités. Les seules
sources de carbone non limitées et directement disponibles sont les déchets liés à l'activité humaine : gaz carbonique, effluents d'assainissement urbain, eaux usées industrielles.
Peut-on utiliser directement ces sources de
carbone ? Comment faire « coup double »
à partir de ces nuisances en les purifiant et
créant de la valeur à partir de leur contenu
carboné ? Seront-ils la biomasse du futur ?
Dans le cadre d'études plus prospectives,
l'École Centrale travaille notamment sur

Marie Loyaux
Diplômée d'Agro Paris,
ex-chargée de mission
à la région Picardie,
ex-exploitante agricole
(produits laitiers), elle
est responsable depuis
un an de la thématique agro-matériaux
au pôle de compétitivité Industries
et Agro-Ressources.

l'utilisation directe du CO2 par des microorganismes pour produire des molécules d'intérêt : par exemple des monomères destinés à
la production de biopolymères, que ce soit par
voie photosynthétique (microalgues) ou nonphotosynthétique.

L'avenir
Les perspectives sont multiples ; de nombreux
verrous restent en effet à lever, scientifiques,
techniques, économiques, industriels, environnementaux, sociétaux... promettant de
passionnantes études et réalisations. L'avenir
passera donc par une coopération encore plus
développée entre tous les talents avec toujours
plus d'interfaces porteuses de synergies. Quelle
extraordinaire opportunité pour nos jeunes
ingénieurs d'être ainsi au cœur de l'innovation
et des grands défis du XXIe siècle !
n

Jean-Marie Chauvet
Docteur en biochimie
des macromolécules,
titulaire d'un DEA
d'Écologie appliquée,
chercheur au Canada
(1988-1990), il a successivement été directeur du Cavisa
(Reims) et de l'Adriac. Consultant indépendant auprès d'organismes publics, il
est aujourd'hui en charge de la plate-forme
d'innovation BRI à Bazancourt-Pomacle.

Les agro-matériaux
Il n'existe pas aujourd'hui de définition officielle. On parle de plus en plus de matériau biosourcé, en référence à l'origine biologique (principalement végétale) de tout ou partie des composants du matériau. Le développement de ces matériaux biosourcés a été relancé dans le cadre du
contexte général de prise de conscience de la diminution des ressources fossiles et du réchauffement climatique. Mais depuis la nuit des temps,
l'homme a développé des matériaux avec les « ingrédients » disponibles localement comme le torchis, la paille, le bois... Désormais, non seulement l'utilisation d'une ressource locale, mais surtout la valorisation de performances économiques et techniques scientifiquement prouvées
sont à la base du développement de ces matériaux.
On les trouve dans une multitude de domaines d'applications :
automobile ; aéronautique ; bâtiment et travaux publics ; emballage ; biomédical ; biomécanique ; plasturgie ; biens d'équipement ; génie
électrique ; transport...
Exemples d'applications :
 : bétons de lin, de chanvre, isolants à base de fibres naturelles de lin ou chanvre, qui présentent des caractéristiques très intéressantes
BTP
en termes de régulation thermique et/ou hygrométrique.

Transports : matériaux composites contenant des renforts fibreux naturels (fibres longues ou courtes de lin, chanvre, kénaf, sisal, jute,
coco) et/ou des matrices composées de polymères thermoplastiques ou thermodurs (PLA, PBS, PE biosourcé) totalement ou partiellement
biosourcés. Les propriétés recherchées sont multiples : allègement, meilleures performances acoustiques, absorption des vibrations,
meilleures performances environnementales, design...

Emballages : biodégradation, allègement, recyclabilité, propriétés barrières...
Les avancées sont assez récentes et la palette de produits déjà intéressante (cf. Agrobiobase, www.agrobiobase.com). Il reste de nombreux
verrous à lever en termes de prix, de cadence de production, d'amélioration des propriétés mécaniques pour répondre à une plus large palette
de cahiers des charges. Enfin, n'oublions pas la gestion de la fin de vie qui pourra nécessiter la mise en œuvre de nouvelles solutions.

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