Centraliens - N°633 - La revue des Arts et Manufactures - Mai 2014 - 43

©Kim Hansen

l'économie verte : le temps des ingénieurs

L'électricité d'origine éolienne est encore peu utilisée en France. Et pourtant, nous possédons le deuxième
gisement de vent en Europe. ©Kim Hansen

des technologies de production moins émettrices de NOx. Alors que l'énergie produite n'a
cessé d'augmenter, les émissions de NOx ont
diminué en valeur absolue.

mentaire très différent) de pratiquer une taxe
faible au départ puis fortement croissante, laquelle a pour conséquence une augmentation
immédiate de l'offre de fossiles.

Taxe incitative : la panacée ?

L'extraction de la ressource non renouvelable
est donc accélérée à court terme et les dommages sont plus importants. Le paradoxe vert
met ainsi en avant le fait que les aspects d'offre
sont incontournables et qu'il ne faut pas les
négliger dans les analyses de la politique économique de l'environnement.

Attention : la taxe incitative peut être à l'origine d'un paradoxe vert. Dans « Public policies against global warming: a supply side approach » (2008, International Tax and Public
Finance), Hans-Werner Sinn analyse l'extraction d'une ressource non renouvelable, disponible en quantité finie dans le sol, laquelle
est polluante et nécessaire à la production. Il
s'appuie sur des hypothèses fortes, relatives à
l'usage imparfait des outils économiques, et au
fait que la ressource non renouvelable puisse
être intégralement extraite. Dit autrement, la
politique climatique qui est amenée à se développer joue comme une menace sur les droits
de propriété. Les propriétaires de ressources
fossiles (l'Opep notamment) réagissent en
accélérant l'extraction, dans la mesure où
la pression actuelle sur les prix conduit à
anticiper une pression toujours croissante et
incite les producteurs à accroître l'extraction
(et leurs recettes). Certaines politiques climatiques destinées à diminuer les émissions
de CO2 pourraient donc, au contraire, les
accroître, au moins à court terme, et au final
accélérer le changement climatique au lieu de
le ralentir !
H.-W. Sinn montre qu'une politique de régulation fiscale peut éviter un paradoxe vert, en
calibrant à la fois le niveau initial et le profil
temporel de la taxe qui ensemble induiraient
un sentier d'extraction optimal. Cependant, le
calcul de ce sentier est difficile dans la pratique
et, surtout, il est très aisé pour des raisons d'acceptabilité sociale (voire d'équité lorsque l'on
considère que des investissements se sont faits
dans le passé dans un cadre incitatif ou réglewww.centraliens.net

Un consensus nécessaire
Si les sociétés jugent peu crédibles les annonces politiques ou estiment que les mesures prises ne dureront pas, alors les changements vers des modes de vie plus vertueux
et l'adoption de technologies vertes n'auront
jamais lieu. Il est urgent que nos dirigeants
- à l'image des pays nordiques - se mettent
d'accord sur l'utilité des quelques principes
et mesures économiques présentés ici. Des
mesures isolées et prises sans consensus ne
sauraient être assez audacieuses ou au niveau
des exigences liées aux enjeux du développement durable. Elles risqueraient également
d'être remises en cause à chaque changement
de majorité politique.
Pour terminer sur une note plus optimiste,
insistons sur le fait que la transition vers
un sentier de croissance verte est possible.
En précisant immédiatement que certaines
conditions de substituabilité et de coûts
des ressources s'imposent à nous, et que le
niveau, la dynamique et la réaffectation des
incitations fiscales nouvelles devront être clairement annoncés. De plus, la baisse du coût
du travail et le soutien à l'innovation des entreprises, que permettrait la réaffectation des
nouvelles taxes environnementales, entraîneraient un regain de compétitivité bienvenu
pour l'emploi et les industries nationales. n

Le projet de taxe carbone voté en France en 2009 a été
abandonné en 2010 pour cause d'inconstitutionnalité.

Pour aller plus loin...
Modèles économiques :
F. Henriet, N. Maggiar et K. Schubert
(2 014), « La France peut-elle atteindre
l'objectif du Facteur 4 ? Une évaluation à
l'aide d'un modèle stylisé énergie-économie », à paraître : Économie et Prévision.
Aspects énergétiques :
E. Iacona, J. Taine et B. Tamain (2 011),
Les enjeux de l'énergie, après Fukushima,
Dunod.
Politique de croissance verte :
A. de Serres, F. Murtin et G. Nicoletti
(2 010), « A Framework for Assessing
Green Growth Policies », OECD Economics Department Working Paper,
n° 774.
Coûts du dérèglement climatique
et solutions :
N. Stern (2 007), Stern Review Report on
the Economics of Climate Change, HM
Treasury.

Pascal da Costa
Docteur en économie
de l'université de Paris 1
Panthéon-Sorbonne.
Enseignant-chercheur
à l'École Centrale Paris
(ECP).
Coresponsable de l'équipe de recherche
en économie et gestion (Epocc) du
Laboratoire de génie industriel.
Responsable des cours d'économie
ainsi que du MOOC - cours en ligne
ouvert à tous - développement durable
de l'ECP.

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