ParaMag - n°322 - Mars 2014 - 14

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LES INITIATEURS FÉDÉRAUX

Lors du Colloque Technique de Nantes, les écoles de parachutisme
ayant un statut commercial, appelées « organismes à but lucratif »
selon la terminologie fédérale (OBL), ont vivement attaqué la FFP
au sujet des initiateurs fédéraux.

L'objet de leur courroux ? Une lettre que leur a adressée la FFP le
15 novembre 2013 évoquant « l'impossibilité pour une structure
commerciale agréée par la fédération d'utiliser les services... d'un
initiateur fédéral (sauf si ce dernier est, par ailleurs, titulaire d'un
BEES ou d'un BPJEPS option parachutisme) ».
Pour la FFP : « Par définition, une structure commerciale ne peut
avoir recours à un bénévole ». Elle rappelle que « le titulaire d'un
diplôme fédéral permettant l'enseignement ou l'encadrement ne
peut exercer son activité qu'à titre bénévole (articles L.212-1 à
L.212-8 du Code du Sport). Dans le cas contraire, il s'agit d'un
travail illégal (articles L.8211-1 à L.8211-6 du Code du Travail)».
Les OBL ont protesté, exposant avec une certaine pertinence qu'en
leur qualité d'écoles agréées par la FFP elles forment des initiateurs
fédéraux qu'il leur est ensuite interdit d'utiliser, sans dérogation
possible, sous peine de perdre leur agrément école fédéral.

Par
Yves-Marie
Guillaud

Ainsi l'emploi d'un initiateur fédéral au sein d'une école OBL est-il
une infraction au Code du Sport. S'il est rémunéré par un mode
légal de rémunération, c'est une infraction au seul Code du Sport.
Si en plus il n'est pas rémunéré mais est en situation de lien de
subordination caractéristique d'un contrat de travail, c'est aussi une
infraction au Code du Travail (travail dissimulé).
Donc la FFP, qui n'y est pour rien, a globalement raison même si son
raisonnement est maladroit ou incomplet. La situation d'insécurité
juridique résultant de la collision entre le Code du Sport et la réalité
technique, à l'ombre du Code du Travail, est proprement ubuesque.
Les écoles à but lucratif (OBL) agréées FFP peuvent délivrer des
brevets fédéraux B1 à B5, donc peuvent enseigner les spécialités
correspondantes, le freefly pour le B4 par exemple. Mais pour les
enseigner elles ne peuvent donc faire appel qu'à des moniteurs
BEES ou BPJEPS.
Première grave incohérence : le BEES ou le BPJEPS n'apportent
aucune compétence technique pour enseigner toutes les
spécialités (par exemple le freefly), mais seulement pour enseigner
ou encadrer la Trad (SOA et ses suites), la PAC ou le tandem.
Pourtant le Code du Sport leur accorde juridiquement toutes
compétences, alors même que le parachutisme est classé « sport
en milieu spécifique » (milieu dangereux).

Les OBL ont aussi protesté, en qualité de chefs d'entreprises,
contre la mission confiée aux ligues et aux comités départementaux
d'une part, à la Direction Technique Nationale (DTN) d'autre part,
donc à des bénévoles et à des fonctionnaires, de vérifier
l'application de cette interdiction et de « signaler, sans délai, tout
manquement à la fédération ».

Deuxième incohérence : les directeurs techniques des écoles OBL,
responsables pénalement des fautes techniques, doivent faire
appel à des moniteurs BEES ou BPJEPS présentant une garantie de
compétence pour enseigner la spécialité choisie. Seule garantie de
compétence existante : la qualification d'initiateur fédéral.

La forme ne relève que des prérogatives fédérales. Les uns
énoncent vérifier et signaler. Les autres comprennent espionner et
dénoncer. Chacun peut en penser ce qu'il veut. Cependant le bienfondé de l'intransigeance de la FFP doit être évalué en fonction du
problème et de sa résolution.

Ainsi doit-il être exigé une qualification fédérale en sus d'un
diplôme d'Etat pour enseigner une spécialité au sein des écoles
OBL alors même que selon l'article L.211-2 susvisé du Code du
Sport les diplômes d'initiateur fédéral concernent exclusivement
« l'exercice d'une activité à titre bénévole, dans le cadre d'une
structure ne poursuivant pas de buts lucratifs ».

Et en fait de problème, il s'agit là d'un vrai problème, même si son
énonciation par la FFP dans sa lettre du 15 novembre 2013
comporte quelques maladresses.

Bienvenue dans le monde de la réglementation qui rend fou !
Car il n'y a point de solution juridiquement cohérente. Il n'y a que
deux pis-aller.

Maladresse bénigne : les articles L.212-1 à L.212-8 du Code du
Sport n'évoquent pas le bénévolat, sinon a contrario. Ils disposent
juste que l'enseignement, l'encadrement ou l'animation d'une
activité physique ou sportive contre rémunération est réservé aux
titulaires « d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat
de qualification » dont ne font pas partie les diplômes d'initiateurs FFP.
Maladresse équivoque : de quoi résulte-t-il que « Par définition, une
structure commerciale ne peut avoir recours à un bénévole » ?

Soit le système est verrouillé : les écoles OBL ne font appel qu'à des
moniteurs BEES ou BPJEPS initiateurs fédéraux malgré
l'incohérence d'exiger un diplôme fédéral pour que des moniteurs
professionnels brevetés d'État puissent exercer leur métier. L'école
ne pourrait-elle pas alors être attaquée pour entraver leurs
prérogatives professionnelles en ajoutant une exigence à la loi ?

N'existe-t-il pas une spécificité de l'activité sportive résultant de
l'article L.100-1 du Code du Sport selon lequel « Les activités
physiques et sportives constituent un élément important de
l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale » ?

Mars14:322
paramag.fr

La réponse est dans l'article L.211-2 du Code du Sport relatif à la
formation et au perfectionnement des cadres des fédérations
sportives. Il distingue les diplômes concernant des fonctions
exercées contre rémunération des « diplômes concernant l'exercice
d'une activité à titre bénévole, dans le cadre d'une structure ne
poursuivant pas de buts lucratifs ».

Soit le système est contourné : les écoles OBL ne font pas appel
officiellement à des initiateurs fédéraux non BEES ou BPJEPS. Mais
des pratiquants ont le droit de faire appel directement à un initiateur
fédéral n'apparaissant dans aucun organigramme, sans lien de
subordination ni rémunération. L'école OBL pourrait être attaquée
pour travail illégal mais, en réponse, peut-elle empêcher un
initiateur d'initier ?
C'est le choix entre la peste (verrouiller) et le choléra (contourner).
La FFP impose la peste au nom du moindre risque juridique. Ce
choix aurait peut-être pu être laissé aux écoles OBL à charge d'en
assumer tous les risques. Parfois, « Le mieux est le mortel ennemi
du bien » (Montesquieu). ■

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