ParaMag - n°325 - Juin 2014 - 12

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LE POSÉ EN SURVITESSE

«Imaginons qu'un pratiquant de pilotage sous voile en survitesse
percute un autre parachutiste en phase finale et le blesse
gravement», était-il écrit ici le mois dernier (PM n°324). Tragique
ironie du sort, les deux accidents du 17 mai ont démontré que,
survitesse ou non, la collision sous voile n'est pas qu'une hypothèse
d'école.
Il est donc utile d'approfondir la problématique de la garantie de
l'assureur en responsabilité civile (RC) dans l'hypothèse d'une
collision lors d'un atterrissage en survitesse, à la suite à la création des
brevets Bi5 et B5 et à leur mise en œuvre depuis le 10 mars dernier.
Il a été démontré ici le mois dernier que la compagnie d'assurances
pourrait opposer un refus de garantie au motif que la pratique qui
ne respecte pas «les règles édictées par la FFP» est exclue des
garanties selon les stipulations de l'article 1.4 du contrat
d'assurances souscrit par la FFP.
Or depuis le 10 mars dernier, la FFP conditionne la pratique du
posé en survitesse à la possession d'un brevet Bi5 ou B5. À défaut
de possession d'un brevet, la compagnie d'assurances est en droit
de refuser sa garantie. Elle peut y renoncer et garantir quand
même, mais elle crée un précédent.
Pour bien comprendre l'enjeu, un exemple authentique datant de
quelques années peut l'illustrer.
Un jeune homme sérieux de 18 ans, mécanicien moto, avait laissé
sa moto en dépôt-vente chez son employeur, un garage de
réparation-vente qui avait souscrit un contrat assurant les clients
pour les essais des motos en vente. Le jeune homme avait donc
résilié son propre contrat.
Le 25 décembre, désireux d'emmener une jeune fille en
promenade, il a repris sa moto pour la journée. Dans un virage, il a
dérapé et percuté la glissière de sécurité alors qu'il roulait avec
prudence, sans excès de vitesse ni alcool (0%).
Ils ont été blessés. Lui : multiples fractures, ferraille à vie dans le
corps, reconversion professionnelle obligée en raison des séquelles.
Elle : traumatisme crânien malgré le casque. La responsabilité civile
du jeune homme était engagée à l'égard de sa passagère.
Il pensait être assuré par le contrat souscrit par son employeur. Las,
ce contrat garantissait les essais réalisés par les clients, pas l'usage
de la moto par son propriétaire.
Non assuré, il a été condamné à indemniser personnellement la
jeune fille. Résultat : plus de recherche d'un meilleur salaire car
l'augmentation serait saisie, plus de patrimoine personnel car il serait
saisi. Parce qu'il croyait à tort être assuré, sa vie a basculé à 18 ans.

Juin14:325
paramag.fr

12

Par
Yves-Marie
Guillaud

Le brevet Bi5 consacre la «capacité aux sauts dédiés
spécifiquement (ou non) au posé en survitesse hors compétition»,
et le brevet B5 une «aptitude à la pratique du pilotage sous voile
(loisir et compétition)».
Passons sur la rédaction inutilement redondante : «dédiés
spécifiquement ou non» et «loisir et compétition» pourraient être
supprimé que le sens des phrases n'en serait pas affecté.
En revanche, quelle est la différence entre «capacité» du Bi5 et
«aptitude» du B5 ? Faut-il comprendre que l'emploi de termes
différents induit une compréhension différente de l'exigence
technique ? Ou s'agit-il juste d'une absence de maîtrise des mots ?
Pire : comment déterminer la différence entre «posé en survitesse»
du Bi5 et «pilotage sous voile» du B5 ? Une partie de la réponse se
trouve dans la définition du posé en survitesse : «toute manœuvre
sous voile destinée à augmenter sa vitesse de façon significative
dans le but d'augmenter sa vitesse sol lors du posé». Mais le
«pilotage sous voile» n'est pas défini.
Cette définition du posé en survitesse complique sans rien
résoudre. Car comment comprendre l'expression «de façon
significative» ? Hormis un posé avec une approche en ligne droite
et bras hauts sans autre action sur les commandes que l'arrondi
final, toutes les interprétations sont possibles. Insécurité juridique
garantie !
Seule limite : le Bi5 s'applique aux seuls «pratiquants qui ont
débuté à partir du 1er janvier 2013». Ceux qui ont débuté avant
peuvent faire tous les posés en survitesse qu'ils veulent même sans
«capacité» à le faire. Très curieusement, ils n'auront même jamais
l'obligation de détenir ce brevet, en l'absence de terme mettant fin
à ce système dérogatoire.
Aux DT de faire le tri à l'atterrissage entre ceux qui atterrissent en
survitesse de façon significative et ceux qui atterrissent en
survitesse de façon non-significative, puis de distinguer :
■ ceux qui ont le droit d'atterrir en survitesse de façon significative
sans brevet Bi5 pour la seule raison qu'ils ont débuté le
parachutisme avant le 1er janvier 2013,
■ ceux qui n'ont pas le droit d'atterrir en survitesse de façon
significative car ils n'ont pas le Bi5 et ont débuté le parachutisme à
partir du 1er janvier 2013, mais qui ont le droit d'atterrir en
survitesse de façon non-significative.
■ ceux qui ont le droit d'atterrir en survitesse de façon significative
car ils ont le Bi5.
A ce rythme, les DT risquent d'atterrir de façon significative en
survitesse dans un asile de fous....

Il est donc fondamental de vérifier les conditions de garantie de
l'assureur afin d'éviter qu'un parachutiste de 18 ans voie sa vie
basculer comme celle de ce jeune motard.

La DTN a voulu ménager la chèvre et le chou, alors on peut atterrir
en survitesse sans brevet Bi5 mais pas trop vite quand même,
et ça dépend de l'âge du capitaine... Du coup plus personne n'est
capable de fixer la limite. Ce sera à l'assureur ou aux tribunaux
de la fixer, et elle risque d'être extrêmement restrictive. Trop tard
pour celui qui ne sera pas assuré.

Pour en revenir à l'hypothèse d'une collision lors d'un atterrissage
en survitesse, il faut débuter l'analyse par les définitions des brevets
Bi5 et B5 données par la DT 38.

Fallait-il vraiment créer un brevet pour l'atterrissage en survitesse ?
Comme souvent, on croit se protéger en réglementant tout dans
le détail et on aboutit à l'effet inverse. ■
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