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façonnée par sa vision et par sa situation personnelle. Ceux qui perçoivent leurs difficultés comme étant essentiellement matérielles se préoccupent surtout de survivre au jour le jour. Inversement, les plus soucieux des préjudices portés aux résidents du parc sont les plus revendicatifs. Ils militent avec véhémence et participent aux conseils municipaux (par exemple, pour protester contre les projets de fermeture du parc), ils offrent leurs services à la gestion (en principe privée) du parc, se montrent très actifs au sein de la communauté et aident leurs voisins dans un esprit de solidarité. En effet, Bige Saatcioglu observe que la différence de niveaux d’implication, d’abord dans les maisons et ensuite dans la communauté (c’est-à-dire dans les relations les plus essentielles à la définition de l’identité d’une personne), est un élément fortement différenciant entre les cinq groupes. LA MAISON ET LA COMMUNAUTÉ : DES SITES D’IDENTITÉ “Le logement est peut-être le plus gros investissement fait dans une vie. C’est là que vous vivez, c’est ce qui vous fournit le contexte dans lequel vous vous définissez par rapport à votre communauté”, rappelle Bige Saatcioglu. Ceux qui s’estiment victimes ne témoignent pas d’attachement ni à leur logement (“ils perçoivent leur toit comme un refuge, cela ne compte pas beaucoup pour eux”) ni à la communauté des résidents (“ils se considèrent eux-mêmes comme des invités, ils ne se lient pas aux autres. Ils vont jusqu’à les stigmatiser parce qu’ils n’ont pas le sentiment d’être comme eux”). Inversement, les résidents les plus actifs s’acharnent à embellir leur logement, à réparer et à décorer les caravanes, tout comme ils s’effor- APPLICATIONS POUR LES POUVOIRS PUBLICS La crise financière et économique a des conséquences douloureuses aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Face à des gens qui se retrouvent sans logement et sans emploi, le besoin d’améliorer l’accès à des logements à des prix abordables et à une aide publique est de plus en plus prégnant. Bige Saatcioglu recommande notamment de : • Donner leur chance aux parcs de mobile homes, qui constituent une alternative bon marché pour le logement. Les gouvernements locaux pourraient améliorer les standards de conception et relâcher les règlementations strictes en matière de zonage, lesquelles risquent de reléguer les parcs de mobile homes loin des villes, voire de provoquer leur fermeture. • Revoir les critères actuels (parfois proches de l’absurde) d’accès aux aides publiques pour permettre à plus de personnes, y compris travailleurs pauvres, d’avoir un meilleur accès aux services sanitaires de base, notamment l’assurance maladie. D’après un entretien avec Bige Saatcioglu et ses recherches sur sera soumis prochainement au Journal of Consumer Research. les travailleurs pauvres aux États-Unis. L’article en préparation cent d’entretenir le parc dans son ensemble. C’est leur manière de combattre les stéréotypes et de dire au monde extérieur “la pauvreté c’est dormir dans la rue ; la pauvreté, ce n’est pas moi”. En d’autres termes, un résident de parc de mobile homes, méprisé par la classe moyenne, peut fort bien se voir comme un citoyen responsable qui s’occupe bien de son logement, de sa famille et de ses amis. Cette distorsion entre la manière dont une personne se perçoit elle-même et la manière dont les autres la perçoivent est particulièrement saillante dans le contexte de la misère. I marketing social z MÉTHODOLOGIE La pauvreté étant protéiforme aux États-Unis, Bige Saatcioglu a adopté une démarche ethnographique et a choisi de se concentrer sur les “travailleurs pauvres” et les personnes qui vivent de l’aide du gouvernement. Des individus qui touchent un petit revenu et dont l’accès à certaines ressources (santé, éducation, offres d’emploi…) est limité. “Le meilleur endroit pour les trouver : les parcs de mobile homes. Un type de résidence pour personnes à faibles revenus, souvent méprisé aux États-Unis.” Il aura fallu trois mois à la chercheuse pour accéder aux résidents, d’abord méfiants, d’un parc de mobile homes d’une ville du sud des États-Unis. Sa persévérance a été récompensée puisqu’elle a pu conduire 40 entretiens qualitatifs relativement informels en face à face avec 23 foyers sur une période d’une année. août-septembre 2010 • recherche@hec V

Table des matières de la publication recherche@hec - n°16

Couverture & Sommaire
Les options réelles pour des stratégies optimales d'investissement
La construction sociale de l'identité chez les travailleurs pauvres
Encourager la créativité : interactions intra-disciplinaires vs interactions transversales
Lancement de la Chaire AXA – HEC Paris

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