i+D - Mai/Juin 2018 - 52

Nuit et jour - par Diana Mosher

Propice à la détente
Au Sayers Club, une autre boîte de nuit de LA conçue par Kelly Architects, on ne danse
pas. Le concept visait à recréer l'ambiance intime d'une séance d'enregistrement à laquelle
on assiste depuis le salon VIP. M. Kelly a conçu l'endroit autour de l'orchestre de musiciens
au centre de la place, entouré de sofas et de tables basses, comme dans un salon.
« Que ce soit un lieu destiné à 100 ou à 1 000 personnes, nous proposons un design pour la
capacité maximale. Les gens ne se bousculent pas les uns les autres, ils n'attrapent pas leur
téléphone parce qu'ils ne voient pas leur verre, et il n'y a pas de file à la porte des toilettes »,
explique M. Kelly. Et personne ne crie sur le barman, parce qu'il a la capacité de préparer
de 7 à 10 cocktails à la fois. Selon George Kelly, dans un bar bien conçu, un barman met de
45 secondes à une minute et demie pour préparer une boisson.

Le concept du
Sayers Club était de
recréer l'ambiance
intime d'un salon VIP
lors d'une séance
d'enregistrement privée.
(Photo : Ryan Forbes)

« Tout est dans les détails », ajoute-t-il. Les matériaux et les finis doivent demeurer propres
et frais. « Beaucoup de boîtes de nuit commencent à disparaître après les quelques premières
années, lorsque le mobilier et les tissus sont abîmés et ont perdu de leur éclat. Vous vous
retrouvez alors avec une clientèle dont les attentes sont "moins élevées". Et les gens qui paient
moins cher boivent davantage, et saccagent l'endroit. »

DIANA MOSHER, membre alliée de l'ASID,
est designer d'intérieur et consultante en
médias établie à New York. Elle est
également directrice des communications
pour la section New York Metro de
l'ASID, pour 2017-2019.

La sécurité d'abord
Au moins quatre victimes par balles au cours d'un
même incident, excluant le tireur, sont les critères
définissant une fusillade. Il est horrifiant de savoir
qu'il y a, aux États-Unis seulement, une fusillade
neuf jours sur dix, selon les données de Gun Violence
Archive. Cet organisme sans but lucratif établi
à Lexington, Kentucky, a été fondé en 2013 par
l'ancien informaticien Mark Bryant. Ces tragédies
surviennent de plus en plus souvent, mais, comme
on l'a rapporté sur le site Mother Jones dans
« US Mass Shootings, 1982-2018 Data From Mother
Jones' Investigation » (fusillades de masse aux
É.-U., données des enquêtes de 1982 à 2018), elles
ne constituent pas un phénomène nouveau.
En juin 1984, six clients ont été tués lorsqu'un
homme a ouvert le feu dans une boîte de nuit
chic de Dallas, où une femme avait repoussé ses
avances. Trente-deux ans plus tard, en juin 2016,
49 personnes sont tuées lorsqu'Omar Mateen
attaque la boîte de nuit Pulse Orlando en Floride.
Parfois, l'impensable se produit à l'extérieur. Au
moins 58 personnes tuées et plus de 515 blessées,
lorsqu'un tireur situé au 32e étage du Mandala Bay
Resort et Casino de Las Vegas a ouvert le feu sur
le festival Route 91 Harvest, juste en face.
Alors que se poursuit le débat sur la question de
savoir pourquoi aucune autre nation développée ne
présente un taux de violence par balle aussi élevé que
les États-Unis, designers, gestionnaires et experts en
sécurité ont la tâche de créer des lieux sécuritaires.
Le design peut-il empêcher un attentat suicide
comme celui qui a tué 22 personnes lors d'un concert
d'Ariana Grande à Manchester, en Angleterre ?

« Nous parlons de sorties et de la manière
d'évacuer des gens - et aussi de la sensibilisation
aux situations à risque et de l'importance de
l'affichage des sorties », indique George Kelly, de
Kelly Architects. Qu'il s'agisse d'un tireur, d'un
tremblement de terre ou d'un incendie, les gens
doivent pouvoir quitter les lieux rapidement. En
1972, 37 personnes perdent la vie et 54 autres sont
blessées dans un incendie criminel au Blue Bird
Café, une boîte de nuit de Montréal. Les rapports
des survivants indiquent que les voies d'évacuation
principales étaient bloquées par les ﬂammes et que
les clients n'avaient d'autre choix que de sauter
d'une fenêtre du deuxième étage sur des voitures
stationnées ou de s'engouffrer dans une issue de
secours bondée dont la rambarde s'est brisée sous la
pression de la foule. Aujourd'hui, disent les designers,
lorsqu'on conçoit une terrasse arrière ou un
deuxième étage, les portes doivent mener directement
en bas et à l'extérieur, puis de l'autre côté de la rue.
Un service d'incendie peut se présenter et fermer
une boîte de nuit parce que 2 000 personnes se
trouvent dans le hall du rez-de-chaussée, alors que
500 d'entre elles devraient se trouver à l'étage sur la
terrasse et dans le bar du deuxième étage. M. Kelly
recommande que l'aménagement fasse en sorte que
les gens se déplacent et que le ﬂot se renouvelle. Les
passages et les portes doivent demeurer dégagés. Il
fait aussi remarquer que si l'on doit se tenir dans le
passage parce que c'est là que la vue est la meilleure,
c'est que l'aménagement des lieux n'a pas été étudié
soigneusement. Il se peut que vous ayez à placer ce
couloir ailleurs pour que les gens ne s'y attardent pas.
Au début de chaque projet, l'équipe de Telesco
Construction répertorie et aborde les éléments
structuraux potentiellement dangereux et s'assure

i+D - mai-juin 2018

de créer un environnement sécuritaire exempt du
risque de trébucher, ce qui pourrait empêcher une
évacuation sûre des lieux. Les codes locaux offrent
de bonnes lignes directrices en ce qui a trait aux
parcours de sortie exigés, à l'éclairage des sorties,
aux gicleurs automatiques et à la manière d'alerter
les clients d'un incident qui requiert leur attention
ou exige une évacuation.
La sécurité dans les boîtes de nuit est aussi liée à
l'équipe des opérations et à la présence d'un
personnel efficace, mais amical, sur les lieux. Les
meilleurs plans de sécurité sont ceux qui permettent
à l'équipe de voir tout ce qui se passe sans intimider
les clients, qui sont en mesure de circuler facilement
dans les lieux.
« Au Rebel, nous avons créé un lieu où les amoureux
peuvent se réunir - mais sans oublier toutes les
mesures de sécurité en cas d'évacuation », indique
Alessandro Munge du Studio Munge. Ces mesures de
sécurité comprennent des garde-corps surélevés et le
placement stratégique des banquettes pour prévenir
une tragédie d'un ordre différent : s'assurer que
les danseurs potentiellement en ébriété ne peuvent
tomber des balcons.
De telles décisions calculées illustrent le paradoxe
le plus important de la sécurité en matière de
design de clubs : l'invisibilité des mesures, couplée
à la facilité d'utilisation des lieux. Les éléments de
sécurité intégrés au plan d'aménagement et au design
d'ensemble d'un club doivent l'être au bénéfice des
clients, sans toutefois les envahir. Après tout, ils ne
sont pas venus là pour avoir un cours sur les sorties
de secours, mais pour oublier leurs soucis et danser
jusqu'aux petites heures. La sécurité est discrètement
et efficacement intégrée à l'aménagement.

i+D - Mai/Juin 2018

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