i+D - Septembre/Octobre 2018 - 37

Le design de ce que l'on ne voit pas - par Brian J. Barth

Dans les nouveaux bureaux de l'ASID, on compte de grandes améliorations
de la qualité de l'air, de l'acoustique et de l'éclairage, liés à des paramètres
scientifiques de santé des occupants. Mais, selon Shimi Kang, M. D.,
professeure clinique agrégée à l'Université de la Colombie-Britannique et
créatrice de Dolphin Kids Achievement Programs, il est important de ne pas
examiner les interventions de design axées sur le bien-être de façon isolée,
mais plutôt selon une approche globale. L'impact cumulatif de tout simplement
se sentir bien, qui exige des conditions différentes selon chacun, constitue le
réel et principal bienfait. Ces conditions sont parfois simplement physiques,
mais elles peuvent aussi être psychologiques, ce qui, par ricochet, peut avoir
des répercussions sur la santé physique.
Lorsqu'elle travaille avec des designers, la Dre Kang, aussi auteure et
conférencière sur la santé mentale, trouve utile de parler du bien-être en
termes si évidents qu'ils peuvent paraître banals. Cependant, insiste-t-elle,
ils sont tout sauf ordinaires. « Nous vivons à l'intérieur depuis quelques
centaines d'années seulement, courbés sur un bureau sous la lumière
artificielle. Pendant la majorité de l'histoire des humains, nous étions
chasseurs et cueilleurs ; le cerveau s'est donc développé en situation
extérieure - dans la nature, sous le soleil, debout et en marchant pour
nous déplacer - et en groupes sociaux intimement connectés. Des
antidépresseurs très puissants, explique-t-elle.
Les lieux de jeu - pour les enfants, ainsi que
pour les adultes - encouragent l'interaction
et permettent de lutter contre la solitude.
(Photo : Dolphin POD)

Méthode Dolphin
PODmc : l'Achievement
Center for Future-Ready
Kids, à New Delhi,
en Inde, se sert du
jeu comme catalyseur
de créativité.
(Photo : Dolphin POD)

La plupart des gens passent aujourd'hui 90 pour cent du temps à l'intérieur,
pourtant, nous n'avons pas conçu nos vies pour tenir compte des
répercussions de ce mode de vie sur notre santé, dit Mme Kang. « Nous
vivons une époque de paradoxes : nous faisons d'incroyables avancées -
connaissances et technologie -, mais jamais le stress et les maladies y
étant apparentées n'ont été aussi élevés. Les designers doivent prendre
conscience qu'ils sont un peu aussi psychiatres : un bâtiment sain est conçu
en fonction de la manière dont nos cerveaux sont réellement branchés. »
Shimi Kang encourage les designers à éviter des configurations
qui pourraient entraîner des réactions de lutte ou de fuite, ou encore de
« paralysie ». « Dans la nature, c'est un tigre qui rugit, un oiseau effarouché
qui s'envole ou un cerf qui se fige devant vos phares de voiture. Dans un
bureau, une réaction de "lutte" pourrait être de la colère ou de l'irritabilité,
la "fuite" pourrait consister à vous faire porter malade ou vous distraire

sur votre téléphone ou les médias sociaux ou encore à consommer ; et la
"paralysie" s'apparente à l'anxiété et à la procrastination. » Lorsque notre
petit hamster intérieur est prisonnier de ces réactions, c'est une autre
région de notre cerveau que la région corticale qui est en jeu, explique-t-elle.
« Lorsque nous fonctionnons à partir de notre cortex, nous sommes créatifs,
nous révélons de compétents communicateurs et avons de la facilité à
résoudre des problèmes, et nous excellons à la collaboration. »
Concevoir en fonction de ces paramètres peut sembler terriblement abstrait,
mais Mme Kang cite les aires de jeu comme un exemple simple qui les
englobe tous. En ajoutant qu'il ne faut pas prendre cela littéralement. Tout ce
qui encourage une interaction détendue, spontanée et en personne compte.
« Fondamentalement, nous sommes des êtres sociaux ; il est donc important
de promouvoir les contacts visuels et les discussions, que ce soit autour
du distributeur d'eau, dans le hall d'accueil, la salle de réunion ou de repos,
le coin-repas, un jardin communautaire. C'est pourquoi les entreprises les
plus concurrentielles du monde construisent des salles de jeu et Facebook
organise des combats aux pistolets NERF. »
Selon Shimi Kang, la formation de liens sociaux est essentielle pour combattre
cet autre tueur moderne, hormis le stress : la solitude. « Paradoxalement, nous
vivons dans des villes densément peuplées et nous entrons constamment
en contact en ligne avec des gens, mais nous n'avons jamais connu un taux
aussi élevé de solitude, ce qui libère dans le cerveau des substances comme
le cortisol et l'adrénaline, qui participent aux réactions de lutte, de fuite ou de
paralysie. La solitude dérègle notre système immunitaire ; les cancers font
plus rapidement des métastases chez les personnes seules. La forme la plus
efficace de torture sur notre planète est l'isolement cellulaire. C'est ce que
nous nous faisons mutuellement. »

i+D - septembre-octobre 2018

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i+D - Septembre/Octobre 2018

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