i+D - Mars/Avril 2019 - 43

Profil ICONique : Steven Clem - par Ambrose Clancy

i+D : Selon le bureau des statistiques du travail,
la personne moyenne change d'emploi plus
de 10 fois au cours d'une carrière. Vous êtes
avec tvsdesign depuis plus de 40 ans. Y a-t-il une
chose que vous faites bien (ou mal) ?
S. Clem : De toute évidence, une question
d'opinion. J'ai toujours été avec la même entreprise,
mais d'une certaine façon, j'ai changé d'emplois.
J'ai fait de l'architecture pendant 12 ans avant de
devenir architecte-barre oblique-designer d'intérieur.
Avant que je fasse ce changement, l'un des dirigeants
de l'entreprise m'a dit que je devrais passer l'examen
du NCIDQ. Je lui ai répondu, « Je ne suis pas
obligé, je suis architecte. » Et lui, « Non, il faut que
vous le fassiez. C'est une question de respect. Cela
indique aux designers que vous êtes l'un d'eux, et
que vous respectez ce qu'ils font. »
i+D : Quel a été votre premier emploi ?
S. Clem : J'ai occupé une variété d'emplois d'été
lorsque j'étais à l'école secondaire, l'un d'entre
eux, dans une épicerie. Quand j'étudiais au collège,
j'ai travaillé à l'aéroport ici, au chargement et au
déchargement des aéronefs, et à toutes sortes de
tâches. C'était phénoménal.
i+D : Et qu'en avez-vous retiré ?
S. Clem : Le travail doit être amusant. Pouvez-vous
imaginer avoir 20 ans et garer des avions ? J'étais
le gars avec les bâtons lumineux qui dirigeait les
pilotes. Il y avait plus de pouvoir et de peur dans
ces moments-là que je n'en ai jamais connu ailleurs.
C'était très chouette.
i+D : De quel objet ne vous départissez-vous
jamais ?
S. Clem : Mon stylo. Aujourd'hui, j'ai un Flair
de Paper Mate. Et un stylet pour mon iPad.
i+D : Vous êtes connu pour faire des croquis
à brûle-pourpoint en début de projet, plus
particulièrement avec les clients internationaux.
S. Clem : Si vous souhaitez contrôler l'attention
des gens, dessinez devant eux. Vous faites quelque
chose que la plupart des personnes ne peuvent pas
faire. Et, si vous pouvez fusionner leurs idées avec
les vôtres, ils se disent soudainement, « Wow, je
suis plutôt brillant après tout. »

i+D : Quelle est la première chose que vous
avez construite ?
S. Clem : Je devais avoir environ 10 ans, à
Jacksonville, en Floride. Mon père avait obtenu
quelques poteaux de téléphone et des conteneurs
en bois provenant d'un terminal d'expédition
et nous les avons transformés ensemble en cabanon
de remisage. Je n'arrêtais pas de retirer des clous de
ces fichues planches. Cela a été mes débuts en
construction et depuis ce temps-là je n'ai pas cessé
de construire toutes sortes de choses.
i+D : Il existe une tendance en design qui
consiste à faire en sorte que des lieux
commerciaux ne ressemblent en rien à ce qu'ils
sont censés être, par exemple, des banques
qui ont l'air de cafés. Comment conciliez-vous
la zone de confort consistant à reconnaître
l'utilisation d'un lieu dans lequel vous pénétrez
avec les perceptions qui évoluent ?
S. Clem : C'est une tendance qui est très sensible
à l'actuelle génération de travailleurs, où tout
est informel. Dans certains cas, il s'agit de confusion
délibérée, une tentative visant à dissoudre
les frontières et à créer une sorte de lieu social
de rencontre.
i+D : Et ça fonctionne ?
S. Clem : Je pense que la tendance va avoir l'effet
inverse à un moment donné. Je regardais certains
projets ayant récemment gagné des prix de design.
Peu importait qu'il s'agisse d'accueil, de commerce,
d'un hôpital ou d'un espace public : ils avaient
tous adopté le même langage, créant ainsi un
manque de différenciation, n'honorant pas
les capacités et la fonction de ce qu'un lieu devrait
être. Vous pouvez créer un bar à café n'importe
où, mais il est important d'avoir une direction
et une distinction de style et de raffinement qui
sont intentionnelles plutôt que causales.
i+D : Une personne du matin ou du soir ?
S. Clem : Oh, du matin. Je vis maintenant dans
un monde où je suis en communication active avec
l'autre moitié du monde. Je reçois des notifications
de WhatsApp tout au long de la nuit. Après être allé
promener les chiens à 5 h 30, je suis fonctionnel.
Il est tôt et c'est rapide. C'est mon meilleur moment
de la journée.

Image : Danilo Agutoli

i+D : Des exemples ?
S. Clem : Je travaillais sur un projet de grand
aquarium en Chine, et tentais de communiquer au
moyen de plusieurs interprètes - chinois, coréen et
anglais - et c'était frustrant. J'ai pris le contrôle de
la réunion en illustrant mes pensées en même temps
que les leurs et, immédiatement, tout le monde
s'est arrêté et a été d'accord. Le client est sorti et a
ramené d'autres gens dans la salle en leur disant :
« C'est de ça que nous parlions. »

i+D : Vous êtes connu pour votre engagement à
agir comme mentor pour les jeunes. Quelle est
la perception la plus courante qu'ils ont de la
profession, et qui est fausse ?
S. Clem : Comprendre l'effort et l'engagement que
cela exige. Et que la créativité est une chose qui
est difficile à programmer, et qu'on ne peut pas la
gérer dans un créneau horaire. La créativité peut
surgir au milieu de la nuit ou les fins de semaine.

i+D - mars-avril 2019

i+D : Quel est votre sport ?
S. Clem : Nous allons en Alaska chaque été, et nous
vivons près d'un ruisseau à truites. Ce serait plutôt
idiot de ne pas être capable d'apprendre à pêcher.
i+D : Quelle est la différence entre la conception
d'aquariums et celle du siège d'UPS ? À part le
fait que l'un doit rester au sec et l'autre, mouillé.
S. Clem (en riant) : Une grande différence.
Mais il y a des similitudes dans tout. Se concentrer
sur la fonction, l'objet, et la personne qui va utiliser
l'espace. J'ai aimé travailler sur de grands volumes
d'espace et les ramener au plus petit détail fabriqué
à la main. À des choses que l'on peut palper.
i+D : Qu'est-ce qui vous fait rire ?
S. Clem : Mes amis.
i+D : Qu'est-ce qui vous effraie ?
S. Clem : Comment puis-je arrêter ce processus ?
Je me suis conditionné moi-même pendant
longtemps à stimuler mon intérêt et ma passion
dans ce que je fais. Je m'y jette corps et âme. Ça va
être difficile de m'arrêter quand viendra le temps
de la retraite.
i+D : Êtes-vous un collectionneur ?
S. Clem : Susan et moi collectionnons des œuvres
d'art et de l'artisanat, c'est l'un des aspects très
agréables de nos voyages. Nous faisons installer de
la nouvelle moquette dans notre maison demain,
et nous avons dû déplacer encore plus de babioles
(riant) partout dans la maison. Au début, nous
achetions de petits objets, ce que nous pouvions
nous offrir. Mais au fil du temps, les petites choses
sont devenues plus chères. C'est pourquoi nous
avons maintenant des trésors.
i+D : Lorsque vous levez les yeux de votre
bureau, que voyez-vous ?
S. Clem : Je regarde par la fenêtre en ce moment,
une vue à 270 degrés, et je vois quelque chose
d'exceptionnel. Il y a probablement plus d'arbres
de réserve à Atlanta que n'importe où ailleurs
au pays, une vraie forêt urbaine. Je peux situer mon
quartier, mais je ne vois que la voûte forestière des
arbres indigènes.

AMBROSE CLANCY
est rédacteur en chef du Shelter Island
Reporter et romancier, auteur documentaire et
journaliste. Ses articles ont paru dans GQ,
The Washington Post et le Los Angeles Times.

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