i+D - Juillet/Aout 2019 - 34

Commémoration et inspiration - par Brian Libby

L'architecte
Daniel Libeskind a
conçu le Monument
national de l'Holocauste,
intitulé Un paysage
de deuil, de souvenirs
et de survie, qui
communique la singularité
de l'Holocauste.
(Photo : doublespace
photography)

Daniel Libeskind estime que, bien que les mémoriaux
et les monuments commémoratifs soient généralement des
installations extérieures, ils agissent souvent à titre de lieux
intérieurs. « Le mémorial doit offrir de l'intériorité, dit-il. Ce
n'est pas seulement lorsque vous l'approchez de l'extérieur.
Quelle impression cela fait-il quand vous êtes immergé dans
cet espace ? Ils comportent bon nombre des mêmes échos
qu'un espace intérieur. Cela établit cet équilibre entre la
création d'un tout symbolique et celle d'un lieu qui permet
à chaque participant d'y vivre ses propres expériences. Un
mémorial ne peut pas être qu'une simple idée abstraite, il doit
fournir à chaque personne sa propre expérience holistique.
Dans un sens, vous appelez chaque visiteur à devenir un
cocréateur. Je crois que c'est toujours ce que je recherche.
Ce n'est que la moitié du concept. L'autre moitié est effectuée
par les visiteurs, à mon avis. »
Donald Stastny est d'accord. « Je crois qu'un grand
monument est un peu comme un grand projet de design
d'intérieur, révèle-t-il. Ce n'est pas nécessairement l'enveloppe
extérieure ou l'architecture. C'est ce que vous ressentez
en y pénétrant. La chose la plus importante est ce sens
de l'entrée, puis l'expérience séquentielle par laquelle vous
passez : la manière dont vous utilisez cet espace. Je crois
qu'un grand designer d'intérieur pourrait créer un excellent
monument commémoratif. »

Un mémorial en conversation
Si une part du rôle d'un mémorial est de conter une histoire, certains
des meilleurs d'entre eux vont plus loin et établissent une forme de
dialogue, une conversation dans les deux sens. C'est exactement ce que
font deux récentes collaborations entre le groupe de design MASS et
l'artiste Hank Willis Thomas : le National Memorial for Peace and Justice
à Montgomery, en Alabama, et The Embrace sur le Boston Common.
Vu de loin, le mémorial national pour la paix et la justice en Alabama, qui
se trouve au sommet d'une colline, rappelle l'Acropole d'Athènes. Il s'agit
d'une structure rectangulaire longue et basse, à ciel ouvert en son centre. Du
plafond de cette structure sont suspendus 800 blocs d'acier patinés par les
éléments, chacun gravé des noms de victimes de lynchage racial. Mais il y a
aussi sur le site d'autres installations et œuvres d'art qui racontent l'histoire
de la violence raciale. Notamment, une sculpture de Hank Willis Thomas,
Raise Up, qui représente un mur de ciment avec des statues aux bras levés.

Au National Memorial
for Peace and Justice,
Raise Up par Hank
Willis Thomas exprime les
questions de la violence
policière et de la justice
pénale colorée de racisme.
(Photo : Equal Justice Initiative/
Human Pictures)

34

Aussi, ce qui est sans doute le volet le plus ingénieux, le mémorial
comprend un groupe supplémentaire de blocs d'acier qui ont été offerts
aux différents comtés des États-Unis afin qu'eux aussi puissent exprimer
leur responsabilité dans ce lynchage en affichant les blocs, ce qui en fait
réellement un mémorial national. « La compréhension vient à des moments
différents et au moyen de mécanismes différents », explique l'architecte
Michael Murphy, fondateur principal et directeur du groupe de design MASS.
« C'est un témoignage envers le moment où nous aspirons à quelque chose
de plus grand que nous-mêmes ; les choses se réunissent et fusionnent. »

i+D - juillet-août 2019
i+D - Juillet/Aout 2019

Table des matières de la publication i+D - Juillet/Aout 2019
