i + D French - January/February 2020 - 46

La naissance d'un mouvement - par Cara Gibbs

Idées modernes
Mais l'un des mouvements les plus influents du 20e siècle est
sans doute le cubisme. Laetitia Laurent poursuit sa réflexion
sur cette période inspirante qui jetait un regard perpétuel vers
l'avenir : « Le mouvement s'est attaché à dépeindre un monde
qui avait changé et qui s'exprimait en grande partie en regroupant
des formes géométriques et en construisant un objet de
plusieurs points de vue différents », dit-elle.
Cela a commencé par l'art - pensons aux visages disparates
de Picasso et aux peintures en trois dimensions de Paul Cézanne
-, et c'est Le Corbusier qui a radicalement transformé le cubisme
avec la naissance de l'ère du purisme, d'esprit plus minimaliste,
qu'il a développé avec Amédée Ozenfant. Lorsque Le Corbusier
a ouvert un studio d'architecture à Paris avec son cousin
Pierre Jeanneret, ils ont tous les deux appliqué cette approche
minimaliste à l'architecture. « Après la guerre, Jeanneret a
commencé à expérimenter avec le design minimaliste, ce qui a
mené à sa chaise emblématique, exempte de fixations, ajoute
Mme Laurent. Dans les dernières années, il a collaboré avec
Jean Prouvé, connu pour sa maîtrise des métaux industriels et
leur utilisation dans le design de mobilier. Le style se distingue
du mobilier en acier du Bauhaus de l'époque, plus rigide dans
sa forme. »

« Aristote a été le premier philosophe
à introduire l'idée que les villes
devraient être façonnées en fonction
du régime politique de l'époque. »
- LAETITIA LAURENT, LAURE NELL INTERIORS

Exemple
contemporain de
design cubiste dans
cette demeure de la
Floride conçue par
Laetitia Laurent.
(Photo : Anthony J.
Rayburn)

Peter Coffman met en lumière l'éveil du modernisme, expliquant son lien avec la démocratie. « Louis Sullivan -
l'un des penseurs, écrivains et architectes modernistes les plus féconds - a vu le modernisme comme une
émancipation de la servilité et une expression de la démocratie, déclare-t-il. Sullivan croyait que l'architecture était
une question de réalisation et d'expression de la fonction, et que la fonction latente dans l'architecture américaine
était la démocratie. Ainsi, Sullivan, comme beaucoup d'architectes-penseurs avant lui, accordait une signification
politique très particulière et urgente au style d'architecture qu'il utilisait. De telles revendications font l'objet de
lectures plutôt intéressantes, mais elles ne passent pas toujours l'épreuve du temps - à ce jour, il n'existe pas
de réel consensus sur ce que devrait être l'apparence d'un édifice "démocratique". »
D'un mouvement de design au suivant, il ne manque certainement pas de jeux de pouvoir, mais peut-être leur
impression durable s'est-elle faufilée dans nos imaginaires les plus personnels. Peut-être que notre chez-soi est
le reflet le plus percutant d'une affirmation politique forte - les structures dans lesquelles nous demeurons et les
intérieurs qui les appuient. Peter Coffman l'énonce de manière simple et concise : « Chaque espèce a sa façon
de marquer son territoire, dit-il, et les humains ont tendance à le faire au moyen du design. »

i+D - janvier-février 2020

CARA GIBBS
est rédactrice à la pige en design et en art de
vivre, réviseure et styliste et elle vit à Manhattan.
Anciennement rédactrice principale en stylisme
chez Luxe Interiors + Design, elle contribue
désormais régulièrement à Architectural Digest,
Apartment Therapy, House Beautiful, Wallpaper, et au
Wall Street Journal, entre autres publications.
Elle est également cofondatrice du marché de
l'artisan In The Pursuit, qui a pour objet de marier
contenu et commerce à travers une lentille teintée
de style de vie.

i + D French - January/February 2020

Table des matières de la publication i + D French - January/February 2020